25 juin 2010

Le Chabardeur

C’était un après midi d’automne, dans le terrier de la famille Renard. Gourik jouait dans sa chambre avec son petit frère Garibo, pendant que Maman Renard préparait une poule au fromage que Papa Renard avait attrapé dans le poulailler voisin.


-Garibo, dit Gourik à son frère, on dirait que c’est moi le chef parce que toi tu sais pas encore parler trop bien, et qu’en plus moi j’ai quatre ans. Et je décide que l’on va capturer un chabardeur.
-C’est quoi un chabardeur ? demande alors Garibo en riant car il trouvait ce mot rigolo.
-Mais ! Ca va pas la tête ou quoi ? Tu ne sais même pas ce qu’est un Chabardeur ?

Gourik se mit alors sur ses deux pattes arrière, prit un feutre noir dans son bac à jouet, le mis dans sa poche et se dirigea hors de la chambre des enfants.

-Reste là, Garibo, je reviens tout de suite. Je vais cherchez le Chabardeur.
-Je peux venir avec toi ? demanda alors Garibo, d’une toute petite voix.
-Ha non, alors, ça fait peur. Il faut avoir au moins quatre ans pour venir, sinon c’est trop dangereux.

Gourik laissa alors son petit frère dans leur chambre, traversa le salon à pas de loup, et passa sans faire de bruit derrière sa Maman. Maman Renard était tellement concentré sur sa recette de poulet au chèvre, qu’elle ne vit pas le petit Gourik qui rentrait dans la chambre de Papa et Maman, ce qui lui était formellement interdit !

Sur le lit, Papa Renard faisait la sieste. Il dormait profondément car on pouvait entendre son ronflement jusque dans la cuisine. Ne craignant pas qu’il se réveille, Gourik sauta sans crainte sur le lit, s’assit sur le ventre de Papa renard, et sortit le feutre de sa poche. Et il dessina sur la tête de son Papa, en rigolant tout doucement. Papa Renard bougea la tête. Gourik rapprocha alors doucement sa bouche près du coup de Papa Renard et la colla subitement sur sa peau pour lui faire un gros bisou péteur.
-Prrrrrrooouttt !!

Papa se réveilla alors en sursaut en hurlant :
-Gourik ! Qu’est ce que tu fais là, ça va barder !
-Tu m’attraperas paaaas ! Cria Gourik qui sauta alors hors du lit d’un coup et coura vers sa chambre.

Papa Renard en colère, le suivit à grand pas pour l’attraper. En passant dans la cuisine, Maman se retourna quand Gourik passa rapidement dans son dos et se trouva nez à nez avec Papa Renard qui le poursuivait. Maman se mit alors à éclater de rire en voyant la tête de Papa Renard.

-Qu’est-ce qui te fait rire ! Grommela Papa Renard. Je vais l’attraper ce chenapan et il va comprendre que je suis fâché !
-Rien, rien mon chaton.

Et il entra énervé dans la chambre de Gourik et Garibo. Mais là, surprise, il n’y avait personne dans la chambre. Pas de Garibo sous le lit, ni de Gourik dans l’armoire. Papa Renard se dirigea alors derrière la porte de la chambre et d’un coup, les deux frères renards lui sautèrent dessus et l’enroulèrent autour d’une corde.

Une fois Papa Renard capturé, les deux petits s’assyirent sur lui. Garibo rigola à son tour en voyant la tête de son Papa.

-Hihihi, papa, tu as une tête de chat dessiné sur ton front. dit Garibo.
-Ah c’est donc cela qui a fait rire Maman Renard, coquin de Gourik, ça va vraiment barder.

Et Gourik dit à son petit frère :
-Tu vois, Garibo, je t’ai ramené un chabardeur, c’est très dangereux.

Et ils rigolèrent tous les trois jusqu’à que Maman Renard, de la cuisine, leurs disent :
-A taaaable mes chéris !

2 juin 2010

Tête De Lune

Il le savait. C’était dur pour lui de ne pas tout avouer, de tout lui dire, là, maintenant, à cette petite gueule fragile. Si fragile qu’elle l’avait attendrit toutes ces années, ce mastodonte d’un mètre quatre vingt dix, presque deux, musclé comme un bœuf aux hormones, trop musclé, à tel point que la plupart des femmes rencontrés avant elle n’y voyait justement qu’un bœuf, qu’un beauf. C’est vrai qu’il pouvait faire peur avec sa carrure et son manque de sourire sur un visage marqué par la dureté de la solitude, et aussi par ses goûts vestimentaires rudimentaires. Mais il leurs auraient suffi de faire un effort, de l’appréhender sans son enveloppe corporelle, et elles y auraient vu un tout autre homme, en fait un enfant. Un enfant de trente quatre ans, qui aimait la poésie de Rimbaud, les dessins animés et discuter émotions.

Elles ne l’ont jamais vu ainsi, ces femmes d’avant ces trente deux ans, mais elle, oui. Bien qu’elle aimait son côté rassurant, sa douceur apparente ne pouvait qu’assouvir son besoin de tendresse, et dans sa bouche, même quand elle le disputait, la moindre insulte, même portée haut, résonnait comme les mots d’une mère qui gronde son enfant sans pouvoir y mettre une once de colère. En bref, elle l’avait séduit, sans même le vouloir, sa petite tête de lune.

Mais la voilà, après deux ans de vie commune, face à lui, avec toujours sa douceur, sa candeur et sa petite tête ronde, qui ne pouvait plus désormais caché à ses yeux experts… L’énorme part d’ombre qui s’était creusé. Ce cratère sur sa joue, qu’elle lui avait caché en l’emplissant de fard et qui portait un nom. Un nom barbare donc masculin : Franck. Franck l’astronaute caché, un corps d’enfant cachant une âme de monstre, et qui avait sali de ses lèvres de profane sa lune à lui, qui n’avait pas dit non.

Il le savait, mais ne pouvait lui dire, pas comme ça, pas bêtement. Il attendit alors qu’elle finisse le dessert, et entre deux chandelles, sur la table en bois faites de formes irrégulières, il posa le présent au dessus de l’assiette.

-Bon Anniversaire ma chérie. Lui murmura-t-il alors en fixant ses orbites.

Et les lèvres de sa douce chassèrent l’ombre des bougies qui planaient sur ses joues. Ses bras montèrent alors de dessous la table pour ouvrir le paquet. Pendant qu’elle dénouai le ruban de la boite, il eut un moment de panique où il faillit tout lui dire. Lui dire qu’il savait, mais qu’il l’aimait quand même, lui dire que ce cadeau aurait du tout révéler à sa place, de manière plus discrète, plus chaste. Mais qu’il n’en pouvait plus de garder ça en lui, de faire semblant d’avoir encore confiance pour leur laisser une chance. Et que ce putain de cadeau n’était qu’en fait un avertissement.

Mais il ne put rien dire et ne fit que penser. Et le ruban retiré, le présent se dévoila. Un tableau, comme elle les aimait tant, peint à l’huile et représentant un paysage lointain, le bord d’une plage, avec sur le sable, posé, un verre de vin. Un tableau qui n’avait pu être peint que par l’homme de sa vie, parce qu’il aurait tout vu en elle et aurait tout compris sans qu’elle est à parlé. Un homme figé, absolu, parfait.

Les yeux écarquillés de sa lune mensongère le regardèrent alors avec une larme sincère, et toute émoustillé, elle coucha le tableau sur le sol, puis monta sur la table, tombant un verre de vin et puis quelques chandelles, et sauta dans ses bras en lui criant :

-Je T’aime !

Il pleura alors, beaucoup, sans savoir si c’était de rage, car elle n’avait pas vu, ou de joie, parce qu’elle était conquise, mais l’amour prit le pas, chassant les sanglots lourds. Elle était heureuse, là, maintenant et c’était l’essentiel.

Quelques minutes après, la gravité aidant, ils finirent sur le sol, la lune sur son enfant.

Et pendant qu’il voyait sa petite face d’amour qui gagnait en lumière, une goutte de vin glissa du rebord de la table, et terminant sa chute sur un coin du tableau, à l’endroit où le peintre appose souvent son sceau, l’ombre de sa belle, anciennement sur sa peau, vint se poser sur Franck, en effaçant ce mot.